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Paroles de Poilu : Charles Raguet

« Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer (...) Nos âmes ont marché si uniment ensemble (...) que non seulement je connaissais la sienne comme la mienne, mais que je me serais certainement plus volontiers fié à lui qu’à moi à mon sujet » (Michel de Montaigne parlant de son ami Etienne de La Boétie)

Y a des gens avec qui le courant passe formidablement bien, et pas seulement des écrivains. Ça ne tient ni à l'âge, ni au sexe, ni même à la couleur de la peau : c'est une question de conductivité, d'atomes basiques, de particules élémentaires.
Ce peut être, par exemple, un gars croisé par hasard sur son lieu de travail — et ce sont alors des discussions à n'en plus finir, des pensées qui s'échangent en confiance, avec sincérité et sans faux-fuyants, ceux de la comédie sociale que l'on joue si souvent entre soi.
Ce peut être encore une fille rencontrée lors d'une soirée entre amis et que l'on croit connaître depuis toujours, tellement son regard posé sur le monde nous paraît d'emblée familier, tellement aussi sa voix, ses gestes et même jusqu'aux battements de son cœur s'accordent instantanément aux nôtres, tous deux vibrants d'un souffle si conjoint qu'on ne peut les séparer sans les déchirer — c'est une manière de se parler ET de s'écouter ; c'est la sensation d'être enfin compris ; l'illusion d'avoir trouvé l'âme sœur ; les heures qui filent sans qu'on les voit passer... et le vaste univers qui se réduit soudain à rien, comme englouti par l'amour qu'on ressent l'un pour l'autre. En un mot : le bonheur.
Ça peut donc être un gars ou une fille, n'importe qui de vivant, mais ça peut être aussi un ancien combattant dont on épluche la correspondance et avec lequel, malgré la distance, on se sent immédiatement proche, n'éprouvant bientôt pour lui que vive et belle sympathie, sans que l'on ne sache vraiment ni pourquoi ni comment, hormis : Parce que c'estoit luy et parce que c'estoit moy.

Charles Raguet, illustre inconnu dont on ne trouvera quasiment aucune trace sur le web, est né le 28 février 1882 à Colombé-le-Sec, dans le département de l'Aube, région Champagne-Ardenne. Issu d'une famille d'agriculteurs, et paysan lui-même, il exploitait sa propre ferme sans rien devoir à personne, en célibataire endurci, le dos déjà un peu voûté, les mains calleuses, la peau tannée par les travaux des champs. Il aurait pu vivre heureux et longtemps, finissant peut-être par trouver femme à son goût, puis lui faisant des enfants qu'il aurait vu grandir année après année, n'ayant d'autre ambition pour eux que d'en faire des hommes à leur tour et, le moment venu, ainsi que font les pères, de leur léguer à la fois ses terres et son grand savoir.
Courant des années 1960, Charles Raguet aurait pu être un vieillard usé et fatigué, malade de pied en cap et même quasi-mourant sur son grabat, mais il aurait somme toute bien vécu... si le sort n'en avait pas décidé autrement.
En août 1914, après avoir fauché et engrangé sa luzerne, Charles embrassa tendrement les siens, puis quitta son village avec l'espoir de les revoir un jour. Sergent à la 23ème Cie du 156ème R.I., il accompli durant 9 mois son devoir militaire, sans zèle ni plaisir, mais parce qu'il le fallait, tout simplement. C'est ainsi qu'il participa à la bataille des Frontières puis à la Course à la mer, aussi à la bataille des Flandres puis à l'offensive de l'Artois. Et c'est là, aux environs du Bois-le-Prêtre, tandis qu'il regagnait l'arrière, qu'un obus de 210mm devait lui ôter la vie, en mai 1915.
Ses lettres, à l'écriture vive et énergique, sont adressées pour la plupart à sa sœur, Marie-Antoinette — de cinq ans son aînée et veuve depuis peu —, et quelques autres sont destinées à sa mère, Hortense, veuve également. A toutes deux il ne cache rien de ce qu'il voit et ne camoufle qu'à peine les nombreux sentiments qu'il ressent.
De l'homme, j'ai apprécié la sensibilité non feinte, la franchise de ton, la dureté au mal, le sens des réalités, l'attention qu'il portait aux hommes aussi bien qu'aux bêtes et à la nature en général.
Du militaire, j'ai aimé l'absence de haine à l'égard des Allemands, l'aspiration constante à la paix, aussi l'instinct un peu animal de qui est aux aguets et, surtout, que son enthousiasme des premiers jours soit si rapidement remplacé par une prise de conscience de plus en plus fine de la tragédie humaine qui se déroulait sous ses yeux et à laquelle, sans jamais l'avoir pourtant désiré, il participait.

Morceaux choisis :

Août 1914 :

Tout va bien et je pense bien aller faire une manille en Allemagne.

La guerre, qui devait durer 5 ou 6 mois sera de beaucoup réduite. Notre Etat-Major est bien supérieur à celui de l'Allemagne, qui va se laisser prendre dans un traquenard, vous pouvez avoir confiance.

Tu n'es peut-être pas très rassurée en voyant les nouvelles des journaux. Je te conseille de ne pas faire attention à eux (...) Ici nous avons de vraies nouvelles, et des bonnes, quoique nous avons tout de même quelques tués.

Les allemands sont de mauvais soldats : leur force est constituée par leur nombre et c'est tout.

Septembre 1914 :

Je suis toujours en bonne santé. Malheureusement, il y en a beaucoup qui ne peuvent en dire autant et ce n'est pas fini. Si tu voyais les hôpitaux militaires t'en verrais des malheureux avec des bras et des jambes coupées et des yeux crevés ou la tête traversée d'une balle... enfin, j'ai vu une fois et cela m'a suffit.

Je voudrais bien savoir quand nous en serons quitte avec ces boches. Ils sont plus solides que je ne pensais, mais nous en viendrons à bout tout de même, avec le temps.

Octobre 1914 :

Je voudrais bien, si toutefois je laisse ma peau par là, que tu profites, ainsi que notre mère, du peu que je possède. Alors, si tu veux bien, tu feras faire un testament comme quoi je vous laisse tout, si jamais je meurs sur les champs de bataille.

Jusqu'à ce jour, rien de nouveau. Nous sommes en pleine gaieté, nous chantons tous sans penser à ce que l'avenir nous réserve. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi, car si on réfléchissait, depuis 2 mois que nous sommes là, nous serions tous malades.

Novembre 1914 :

Vaudrait bien mieux que cette guerre soit finie et que l'on nous libère, mais on n'en est pas encore là. C'est bien malheureux, car ceux qui n'auront pas été tués seront probablement rhumatisés. Tu vois que l'avenir n'est pas épatant [cf. scan].

Décembre 1914 :

C'est drôle, nous sommes comme des lapins de garenne : on sort la tête de sa tanière dès que le canon cesse de tonner.

On se croirait au mois d'août par un fort orage : les pièces de marine ressemblent tout à fait, lorsqu'elles se font entendre, à des coups de tonnerre.

Hier matin, la canonnade a repris de plus belle. Nous avons 100 pièces de canon qui ont tiré chacune 2000 obus à 50 francs le coup : 10 millions de semer pour nous débarrasser des boches ! Nos grosses pièces tiraient derrière eux, nos moyennes au milieu et les plus petites à la fois devant et dans leurs tranchées. Beaucoup sont morts.

Avant hier, avant que je n'arrive, un cheval avait passé la nuit recouvert de boue. Seule la tête émergeait de cette boue et il a fallu deux chevaux, le lendemain, pour l'arracher de cette triste position. Il était comme paralysé et ne pouvait se tenir sur ses pattes. Je me demande ce qu'il est devenu.

Janvier 1915 :

C'est tout de même curieux que le mur de la grange se soit effondré. D'après ce que les maçons m'avaient dit, il pouvait tenir encore 10 ans. Enfin, ce n'est rien, ici il y en a d'autres qui se démolissent tous les jours.

Je ne veux pas donner de punitions à mes hommes, quoique mes officiers supérieurs le voudraient, car ces punitions seraient trop sévères, surtout en temps de guerre, et une balle aurait vite fait de s'égarer (...) J'ai affaire en grande partie à des parisiens très durs à commander. Il y en a beaucoup qui connaissent le couteau, mais, comme je te le disais, il ne faut pas te tourmenter pour moi : je passerai à travers tout cela et je m'en tirerai.
PS : ne fais pas voir ma lettre.

A Colombé-le-Sec vous vous plaignez avec juste raison, mais si vous habitiez le pays où nous sommes vous en verriez bien d'autres. Pas une maison ici qui n'ait été brûlée ou bombardée. L'église est criblée de balles, tout est saccagé, on ne rencontre que des vieilles horloges cassées sous les décombres, il ne reste plus rien.

Février 1915 :

D'après un livre que nous avons lu, chaque coup d'obus leur coûte 500 francs. Tu vois ce qu'ils dépensent pour ne pas nous faire grand mal.

Vivement que ce Guillaume II crève et que l'on soit enfin tranquille.

Mars 1915 :

Je me porte toujours bien, mais il faut avoir soin de baisser la tête. Le moindre bruit que l'on fait, ou le peu que l'on se montre, et les balles nous sifflent aux oreilles. Hier, deux têtes en l'air ont voulu faire les marioles en jetant des pierres aux boches, puis ils se sont mis à genoux au-dessus de nos abris pour tirer sur un petit poste allemand, mais ils sont vite redescendus, l'un avec trois balles dans la peau, l'autre une seule, mais juste au-dessus de l'œil.

Ici il faut être prudent. Nous sommes très près des boches. Les fusils sont braqués sur les sentinelles et au moindre mouvement ça y est. Malgré cela, je ne désespère pas encore. Il n'est pas possible de nous surprendre, il n'est pas non plus possible de se sauver. Il faut tenir bon et c'est tout.

Nous avons eu une attaque avant-hier. Ces messieurs avaient commencé par nous lancer des bombes qui dégagent beaucoup de fumée et font un bruit démoralisant. Quelques-uns se présentent et voilà l'attaque déclenchée. Après avoir tiré un cent de cartouche chaque homme, le feu s'est arrêté. Hier matin, nouvelle attaque : une de nos tranchées a sauté et il y a eu du sang de versé. A 6h00 du soir, ça reprend de plus belle, ce n'était qu'étincelles et vive canonnade. Et ce matin, à 4h1/2, ça recommence encore. Je ne peux pas te dire le résultat, toujours est-il qu'il faut des brancardiers après ces séances. Bref...

C'est bien malheureux de vivre comme ça, couché tout équipé, souliers aux pieds six jours sur huit, mais on s'y habitue. Les petits oiseaux aussi. Ils viennent chanter près de nous. Les balles sifflent et ils ne s'envolent pas. C'est curieux.

Il ne se passe pas 3 minutes sans qu'un boche nous envoie quelques balles. Si cela dure encore longtemps, ça me coûtera cher pour ne pas beaucoup me rapporter, surtout si je ne suis plus là. Ça commence par me dégoûter, cette vie-là.

Tu vois des hommes qui tombent de peur et d'autres qui tirent sans viser tellement ils ont les foies. Il est vrai que ça n'a rien d'amusant.

Je viens de recevoir une lettre de la mère m'annonçant la mort de Léon Mangé. Heureux celui qui en sortira sain et sauf de cette triste guerre. Vivement que tout cela finisse, car il ne restera pas grand monde si l'on continue.

C'est très dur de vivre comme ça. Par moment on s'en dégoûte et on voudrait savoir si on en sortira mort ou vif. Mais si c'est pour mourir, eh bien que ça soit tout de suite. Si je savais finir mes jours à la guerre, je demanderais à partir pour la Serbie, j'aurais toujours l'agrément d'en faire le voyage.

Le bruit court que nous allons attaquer d'ici quatre jours. Espérons que je m'en sorte. N'en parle pas à la mère.

Nous étions loin de penser, lorsque nous avons fait le dernier repas à Troyes, en compagnie de René Darlet, que quelques mois plus tard l'un de nous deux manquerait à l'appel.

Très heureux de descendre en seconde ligne pour me reposer deux nuits d'affilée, je chantais en compagnie de mes collègues, mais le chant a brusquement cessé en prenant connaissance de la mort de ce pauvre Léon.

On s'abrutit un peu par ici et il y a des moments où je ne sais plus comment certains mots s'écrivent. Après la guerre, tout se remettra en place, faut l'espérer.

Avril 1915 :

J'ai entendu un homme déclarer sans la moindre tristesse la mort de ses deux fils. Aussi une jeune femme qui venait de perdre son mari et trouvait cela presque naturel. Seule la mère de cette jeune femme versa une larme en y pensant et en nous disant que son gendre était bien gentil.

Je t'assure que voilà bien des obus de brûlés ces jours-ci. Par endroit, les boches sont accrochés aux arbres par l'explosion de nos obus. Un de nos régiments, qui se trouvait en première ligne, a sauté dans la tranchée ennemie et a tout sabré sans pitié. Les boches criaient Kamarade, mais se faisaient embrocher comme des cochons, les bons comme les mauvais. Bienheureux ceux d'entre eux qui ont été fait prisonniers. D'ailleurs, hier, il en est encore passé 11 qui étaient très heureux et riaient. Les femmes, par contre, bien souvent, si on les laissait faire, se jetteraient sur ces prisonniers pour les tuer.

Quelle vie ! Attendre comme un braconnier attend un lièvre.

Il serait préférable, par ces beaux jours, d'être derrière sa charrue plutôt qu'au Bois-le-Prêtre.

Les journaux vous racontent que le moral des troupes est bon, ils vous bluffent, ce n'est pas toujours vrai. Quand on sort du champ de bataille avec des pertes comme celles que nous avons subies, eh bien le moral n'est pas si bon qu'on veut bien vous le dire et chacun de nous réclame la paix.

Je vous envoie une photo pour que vous puissiez revoir encore une fois ma binette, si toutefois je ne la ramenais pas.

Nous sommes très bien aérés, près d'une soixantaine de cadavres que nous n'avons pas pu enterrer depuis voilà trois semaines. Ils sont tout noirs et gonflés et sentent forcément mauvais. Je ne désespère pas de voir une épidémie d'ici peu.

Je ne comprends pas que le civil ne s'occupe pas plus que ça de la guerre. Les journaux racontent ce qu'ils veulent, mais pas toujours la vérité. Ce n'est pas de la guerre, c'est une tuerie. Demain matin, le 353ème attaque pour prendre des mitrailleuses boches qui sont dans une tranchée que l'ennemi a perdue pour moitié. Nous sommes à un bout et les boches de l'autre, seulement séparés par quelques sacs de terre. Tu peux être certaine que ces mitrailleuses nous coûterons encore une fois beaucoup d'hommes, mais que si jamais nous les gagnons, certains officiers seront alors cités à l'ordre des armées et gagnerons même quelques galons dans l'histoire, c'est ça la guerre.
PS : brûle cette lettre... ou cache-là.

4 mai 1915 (jour de sa mort) :

Chère mère,

Tu veux que je ne te cache rien, alors je vais te parler un peu de ce que je vois tout autour de moi à travers les créneaux (petits trous pour passer le fusil). Derrière, un terrain bouleversé par les obus : des loques, des bidons, des fusils cassés, deux cadavres déchiquetés (impossible d'y remarquer une tête). Devant, même bouleversement, mais avec 25 cadavres presque aussi noirs que des nègres. Les mouches bourdonnent tout autour et ce tableau se trouve à 4 ou 5 mètres de moi. (...) Ce matin, nous avons reçu 50 obus. Pas de blessés, ce n'était que des 77, pas très dangereux dans les tranchées, mais quand un de ces obus tombe sur un de ces cadavres, tu penses l'effet produit... inutile d'insister. Ce qui me fait plaisir, c'est que ce matin 60 malades ont été reconnus et évacués. Nous autres sergents, il ne nous est pas permis d'être malade. Lorsque nous avons tant souffert à la tranchée de Fey-en-Haye, un sous-off a été à la visite et, s'étant fait porter malade, voici la réponse du Major : "Marche ou crève". Tu peux voir ce que c'est que la guerre. Jamais je ne me ferai porter malade, à moins d'être blessé ou de ne plus pouvoir marcher moi-même. Je n'aime pas ceux qui tirent au flanc, car il faut que leurs camarades tiennent leur place. J'avais dit que je ferais un livre de ce qui se passait dans nos parages, mais on a trop d'occupations dans la tête et après, au repos, on aime bien dormir. Voilà nos 75 qui viennent chatouiller les tranchées Boches. C'est souvent ennuyeux car ils sont obligés de raser nos têtes pour toucher les leurs. Quelques fois, mais très rarement, ils se trompent de cible et c'est nous qui recevons. Enfin, ce qu'il y a de bon c'est que nos abris sont maintenant secs et que nous n'avons plus la boue du mois d'avril, ni le froid. En suivant nos tranchées, là encore des cadavres. Nous essayons d'approcher le premier que les infirmiers ont mis sur une petite échelle et qu'ils traînent au moyen d'une corde. Je m'y suis repris à trois fois pour l'approcher. Après avoir mis mon mouchoir devant ma bouche et mon nez, j'y parviens, mais impossible de le reconnaître tellement il est noir et décomposé. Plus loin, à d'autres il manque la tête et certains sont à moitié enterrés. Voilà le temps qui se rafraîchit et la pluie qui vient. Cette nuit, les infirmiers vont encore transporter ces macchabées. C'est un rôle qui ne me plairait pas beaucoup non plus. Ne te fais pas de bile, va, je suis en bonne santé, parfois fatigué, mais le coffre est bon et après un peu de repos et de tranquillité tout se remettra en place.
Au revoir et bonjour aux amis.
Je t'embrasse, ton fils.
Charles Raguet.
VIVEMENT LA FUITE

5 mai 1915 (la lettre qu'un camarade de Charles Raguet adresse à la mère de ce dernier, alors qu'il vient d'être mortellement blessé par deux éclats d'obus) :

Chère madame,

Vous allez vous demander pourquoi cette carte. Si je prends la liberté de vous écrire, c'est pour vous prévenir que votre pauvre Charles vient d'être gravement blessé et, comme étant grand ami avec lui, j'ai cru faire mon devoir que de vous prévenir. Lui ne peut pas écrire. Je vous donnerai de ses nouvelles, j'irai le voir. Il a été blessé à l'épaule droite et à la tête. Nous sommes dans une mauvaise zone où l'on se bat jour et nuit tous les jours sans fin. Nous sommes arrosés par de gros obus qui font un mal affreux. Nous perdons des hommes tous les jours. J'aimais bien causer avec Charles... nous parlions du pays... Rien de plus à vous dire pour le moment.
Recevez, chère madame, mes salutations distinguées.
Portat Louis

(On notera ici la délicatesse avec laquelle le soldat Louis Portat prépare madame Raguet: l'avisant de l'accident mais lui cachant l'essentiel jusqu'au lendemain matin, où il lui révélera enfin la sinistre réalité)


Chère madame,

Je vais vous apprendre une bien triste nouvelle, Charles Raguet, mon pauvre ami, est mort. Il va être enterré au cimetière militaire qui se trouve un peu au-dessus du cimetière civil de Montauville. Il sera seul dans sa fosse et on le mettra dans un cercueil. N'ayez crainte, tout sera fait pour le mieux et il aura un service religieux. Je vous assure qu'il est bien regretté par tous ses hommes, ainsi que par les officiers. C'était un très bon garçon. C'est malheureux de voir ce qui tombe en ce moment dans ce bois. Je m'unis à vous pour partager la grande douleur qui vous frappe, ainsi que toute votre famille, en perdant ce bon Charles.
Recevez, chère madame, mes condoléances.
Portat Louis

Fin de l'histoire.

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